Making-of de la couverture de Sombre 1.Greg Guilhaumond et moi, on s'est connus à l'époque des premiers pas d'
Extinction, ce qui commence à faire une petite paie, mine de rien. On a bossé ensemble sur un certain nombre d'illus pour ce projet, dont une couv qui dépote grave (et qu'on peut zieuter ici).
Et moi, j'adore bosser avec Greg. Déjà, c'est un garçon adorable. Pis aussi, il est pété de talent. Bon, le talent, on le sait tous, c'est 5 % du résultat final. Mais Greg est aussi bosseur. Sérieux, fiable, inventif, disponible, limite s'il ne fait pas grille-pain par un bout. Et il vaut mieux car de mon côté, je suis (comment dire ? Ah oui) ultra casse couilles. J'aime travailler carré de chez carré, je suis exigeant avec les autres comme avec moi-même et comme je suis grave perfectionniste, j'ai le souci du nano détail.
Donc ouala, je suis un chieur, j'aime bosser avec Greg et je suis encore tout ébloui du taf qu'il a produit pour
Extinction. Du coup, quand j'ai commencé à me dire que je voulais très sérieusement éditer un fanzine consacré à
Sombre et qu'il m'est apparu qu'il faudrait forcément que je lui trouve une illu de couverture, je me suis d'abord tourné vers Greg. Coup de bol, il était à la fois partant et dispo.
J'ai commencé par lui envoyer le texte de
Sombre 1, en lui précisant le contenu de la commande. Une illustration noir et blanc au format A5, avec de la place pour de la titraille en pagaille : un gros logo
Sombre, une tagline, des accroches (qui devaient à l'origine tenir dans un bandeau blanc en bas de l'illu), le numéro de la revue et le prix (que nous avons finalement relégué en quatrième de couv, avec le logo Terres Etranges).
Au départ, je voulais également mettre mon nom sur la couv car je considère que
Sombre est un jeu d'auteur et qu'un auteur se doit d'assumer sa production en la signant. J'y ai finalement renoncé parce que cette démarche plutôt littéraire me semblait inappropriée dans le cadre d'une revue. Le côté pratique, c'est que ça faisait un truc de moins à caser sur la couv.
J'ai demandé à Greg une ambiance horrifique donc sérieuse, mais pas trop agressive quand même. Égorger des bébés en première de couv n'est pas super vendeur, si vous voyez ce que je veux dire. Il s'agissait donc de doser : dark mais point trop. Cette précaution n'était pas anodine car j'ai demandé à Greg qu'il trouve le sujet de son illu dans le fanzine lui-même. Or il y a quelques scènes hardcore dans
House of the rising dead, le scénario zombies au sommaire de ce numéro 1.
Greg a lu et il est revenu vers moi avec plusieurs propositions sous forme de croquis. Pour respecter mes consignes concernant l'approche horrifique, il avait opté pour de la suggestion plutôt que du gore. Parfait.
Croquis 1 :Le préféré de Greg mais moi, j'étais moyennement emballé. L'ambiance me semblait très bonne et l'idée de mettre en avant l'isolement de la ferme plus que pertinente. Bon, il aurait fallu modifier certains détails architecturaux pour coller à la description du scénar et sans doute basculer en ambiance jour, le soleil écrasant étant une composante forte de l'histoire (inspi
Massacre à la tronçonneuse) mais ce n'était pas un souci. Mon vrai gros bémol, c'était que je ressentais ce visuel comme une illu intérieure plus que comme une couv. Je ne le trouvais pas assez accrocheur, il manquait un sujet humain.
Croquis 2, 3 et 4 : Exit la ferme, enter Oswald, le PNJ principal du scénar, représenté sous différents angles en train de scruter l'extérieur de la maison à travers une meurtrière.
Ça, ça me plaisait nettement plus. Je trouvais que le coup de la meurtrière exprimait bien l'idée de claustration et de siège, et qu'en plus, c'était super visuel. Le croquis 4 en particulier me plaisait beaucoup car je lui trouvais un look très cinématographique (super compo, les obliques c'est vraiment fun) et un gros potentiel de couverture (un sujet humain plein cadre).
Du coup, j'ai dit à Greg (enfin, j'ai écrit, on bossait par mail) que je voulais qu'on parte sur cette base. Et j'ai relancé d'une idée : plutôt que de représenter la meurtrière de l'extérieur, ne pourrait-on pas (avec un cadrage similaire) la représenter de l'intérieur ? L'intérêt serait qu'au lieu de voir Oswald, on verrait un ou peut-être deux zombies. Ce serait horrifique (il pourrait y avoir du gore sans que ça ne choque trop, l'esthétique zombie s'étant considérablement banalisée ces dernières années) et accrocheur (le zombie est hype, c'est un fait).
Greg n'avait mis aucun zombie dans ses croquis parce qu'il considérait que cela spoilait trop le scénario. Je l'ai rassuré sur ce point en lui disant que je ne comptais pas du tout garder cette info secrète. C'était un élément que je voulais mettre en avant aussi bien dans ma bafouille de quatrième de couv que dans les accroches de la première (où j'avais prévu un « scénario zombies »). Montrer des zombies, c'était donc très cool. Du coup, Greg est revenu avec une dernière proposition.
Croquis 5 :Même délire que sur le 4, mais avec des zomblards à la place d'Oswald, ce qui place de facto le lecteur dans la situation des PJ. Le huis clos, mais vu de l'intérieur. Efficace. J'ai validé de suite et Greg s'est mis au boulot sur la version finale.
C'est à ce moment là qu'on a calé les derniers détails. Les accroches, empilées dans un coin plutôt qu'alignées sur le bandeau que j'avais initialement prévu (il aurait trop bouffé l'image). La tagline, décalée sur la droite pour qu'elle aussi s'intègre mieux à l'illu. Le traitement très lumineux de la partie zombies, pour évoquer le cagnard estival du Texas, sous lequel se déroule le scénar. L'idée de Greg, c'était de traiter les morts-vivants en mode silhouette, avec le soleil écrasant dans le dos. Personnellement moi-même, je trouve l'effet ultra classe.
Enfin, le logo
Sombre, tout nouveau tout beau (bidouillé avec mes gros doigts potelés peu de temps auparavant pour remplacer l'ancien, trop brut de décoffrage), qui, mauvaise surprise, s'est d'abord révélé inapproprié. Dans sa version initiale, les lettres étaient pleines mais ces aplats de noir détonnaient fortement avec l'illu. Un logo en 2D sur une image en 3D, avec une belle profondeur de champ, ça ne fonctionnait pas du tout. Du coup, j'ai demandé à Greg d'évider les lettres, pour voir si en ne gardant que le contour blanc, le logo ne s'intégrerait pas mieux. Gros soulagement quand on a constaté que c'était le cas.
Résultat :Content, Johan.